NAISSANCE D'UN MONSTRE, une mazarinade de 1649 illustrée par Jean-Paul BOCAJ aux Editions LUIS CASINADA

Naissance d'un monstre. Mazarinade de 1649 illustrée par Jean-Paul BOCAJ
Naissance d'un monstre. Mazarinade de 1649 illustrée par Jean-Paul BOCAJ


NAISSANCE D'UN MONSTRE EPOUVANTABLE ENGENDRE D'UNE BELLE ET JEUNE FEMME NATIVE DE MARK A DEUX LIEUES DE CALAIS.

Une mazarinade ou "canard" endiablé resté anonyme de 1649.

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Un morceau de tableau de Jean-Paul Bocaj


La toile de Jean-Paul Bocaj a été découpée en 30 carrés de 16 cm de côté, chacun venant, numéroté et signé par l'artiste, illustré un exemplaire. Les photos de trois états du tableau sont jointes au fragment original. Le tout est inséré dans une pochette en basane rustique fermér par une boule de buis et marquée au chiffre de l'éditeur.


Tirage : 30 exemplaires.

Il y a beaucoup à dire sur ce livre, de sa conception à son existence. C'est, par excellence, un livre à palabres.

En premier, le texte lui-même. Certains sourires complices ont mis en doute la réalité du texte, ou plutôt qu'il soit réellement du 17e siècle. J'apporte ici la preuve de mes sources. J'ai trouvé ce texte dans un recueil de mazarinades constitué au cours du 17e siècle par Henri Guillaume LE JAY, fils du baron de Tilly intendant de Lorraine. Ce Le Jay fut abbé de Cherbourg (oui), aumonier de Monsieur, le duc d'Orléans, puis évêque de Cahors du 9 mars 1680 au 22 avril 1693, le jour de sa mort. Le recueil porte sur ses deux plats ses armes, répertoriées par Olivier et reproduites (Planche 1017).


Il s'agit d'un 4° de 8 pages, imprimé à Paris chez la Veuve d'Antoine Coulon en 1649.

Naissance d'un monstre espouventable. 1649
Naissance d'un monstre espouventable. 1649


L'existence (peut-être fictive, d'une permission d'imprimer, mais surtout d'une adresse précise oblige à se demander si le classement du texte au sein d'un recueil de mazarinades est bien justifié. Il pourrait aussi bien être classé avec les "canards", et autres faits divers de la littérature populaire.

Le texte lui-même est ambigu. C'est, littéralement, le récit la naissance d'un monstre épouvantable (même si nous, nous le trouverions plutôt très beau). Donc un fait divers anecdotique, comme la Bibliothèque Bleue en connaît tant. Mais le fait que ce monstre apparaisse au milieu d'une guerre civile, dont les gravures de Jacques Callot montre les horreurs épouvantables, n'est sans doute pas anodin. C'est bel et bien le signe que tout se détraque dans ce monde, puisque le diable nait à Calais.
D'ailleurs, on peut faire confiance à un évêque de Cahors élevé dans le sérail de la cour de Monsieur pour savoir ce qui est politique et ce qui ne l'est pas. Si Le Jay a mis ça dans les mazarinades, laissons le dans les mazarinades.


La signature G.D.B., un mystère
La signature G.D.B., un mystère


Reste à savoir qui a bien pu écrire ça. Après trente ans de réflexions, j'avoue que je n'en sais rien. La signature G.D.B. renvoie immanquablement à GUEZ DE BALZAC, mais voilà ! C'est pas vraiment son style, ses bio-bibliographies sont muettes là-dessus et la sage et prudente BNF conserve l'anonymat à ce texte. Ne soyons pas plus royaliste que le roi.

AUTRE PRETEXTE A UN RECIT : LE TRAITEMENT DU TEXTE

Comme on le voit sur les photos ci-dessus, ce n'est pas calomnier la Veuve Coulon que de dire qu'elle était un peu souillon. Dans sa page de titre, que de flottements ! Ses lignes sont droites comme la patte d'un chien (ma mère disait ça). Les dernières lettres du mot "MONSTRE" sont plus petites que les autres, la ponctuation est cahotique, etc...


Cet aspect négligé, bâclé, composé et imprimé en grande vitesse et sur du papier minable est d'ailleurs la caractéristique de toutes ces mazarinades polémiques ou anecdotiques.


J'ai essayé, dans toute la mise en forme du texte — et du livre — de restituer une idée de cette précipitation à éditer des piéces qui ne sont que d'actualité, et que l'actualité doit dévorer. Ce qui explique qu'à ma connaissance, 3 exemplaires seulement de cette monstruosité nous soient parvenus.


D'abord, j'ai utilisé un papier grisâtre, un peu grumeleux, sans pedigree. Ensuite et surtout, je me suis amusé à "mal" imprimer mon texte. Regardez la page de titre, et dites-moi si je suis pas aussi torchon que la veuve Coulon. Le S de monstre est en train de glisser, tandis que le 2e L de belle s'envole. Cherchez les autres erreurs.

Page de titre
Page de titre
Début du texte.
Début du texte.







Dans la première page du texte, je suis assez fier du chevauchement du S et du O de sortir. L'imperfection est la cime a écrit Yves Bonnefoy. Ici, j'atteins des sommets.




POUR LA RELIURE, j'ai conçu une pochette qui dans ma tête peut évoquer la sacoche d'une messager qui s'est faufilé à travers une guerre civile (voyez la première phrase ci-dessus) dans une France où les ronces ont eu le temps de manger les chemins.

J'ai demandé à la maison Barbanse, crépins à Béziers, de me sélectionner des peaux robustes, mais qui, comme les plus beaux jeans actuels, seraient déjà pré-usées : éraflures, épidermures, voire petits trous... J'ai taillé tout ça en forme d'enveloppe, bricolé une fermeture avec un trou, une ficelle et une boule de buis.

Et pour que le facteur / messager fasse un peu officiel, et puisque les éditions Luis Casinada assurent elles-même leur distribution, la sacoche porte les initiales  L C en lettres d'argent.
Deux exemplaires ont été mis dans des cuirs plus chics : l'un en maroquin vert, l'autre en veau bleu. Ils sont moins beaux.

L'INTERVENTION DE JEAN-PAUL BOCAJ est encore plus déchirée par la guerre et les horrifiques monstres qui en sont les tristes suites.  Non que son tableau soit sinistre ou tristounet. Très très loin : la belle et jeune femme est vraiment belle, vraiment jeune et vraiment femme. Et le monstre qu'elle engendre un bel espiègle chatoyant. En cela, Jean-Paul Bocaj est bien dans l'esprit de GDB. Voici quelques extraits de sa description du monstre :


Derrière le dos, il est garni de quatre petites ailes semblables à celles d'une chauve-souris, sur l'une desquelles on peut voir peinte une petite chaine composée de sept anneaux et sur une autre de l'autre côté, il y a comme un petit animal qui a une corne sur la tête.


Toute la peau de son corps est fort dure et basanée, hormis entre les deux tétins où elle est fort tendre et d'une couleur entre vert et jaune. Un peu au dessus du nombril, il a une étoile qui est rouge comme sang, et au milieu du dos, entre ces quatre ailes, il y a un croissant de couleur perse.
On n'est pas plus joli !!


Mais voilà qu'en fait d'illustration, Jean-Paul Bocaj a fait UN SEUL TABLEAU, d'environ 80 x 100 cm., et que c'est ce tableau, découpé au cordeau et au cuter en 30 morceaux égaux, signés et numérotés qui illustre le texte. Bien sûr, au fur et à mesure de la conception et de la réalisation de l'oeuvre, des photos ont été prises. Quand le tableau a été fini, Pierre Schwartz, le photographe des tableaux-stars l'a photographié. Et toutes ces photos sont dans chaque exemplaire. Bien sûr, le tableau a été découpé, dans une maison qui devait s'effondrer peu après comme une splendide Usher, devant les caméras de FR3 : l'INA doit encore avoir ces images, qui ont été diffusées fin 1994.


C'est quand même une drôle de performance, pour un peintre, d'exécuter aussi finement et avec tant de brio un superbe tableau pour le découper aussitôt sec. MERCI JEAN-PAUL !!!!!

Photo du tableau de Jean-Paul BOCAJ entier et morceau de cette toile découpée.
Photo du tableau de Jean-Paul BOCAJ entier et morceau de cette toile découpée.
Le livre : Naissance d'un monstre, illustré par Jean-Paul BOCAJ, avec tous ses éléments, et même plus.
Le livre : Naissance d'un monstre, illustré par Jean-Paul BOCAJ, avec tous ses éléments, et même plus.
Revers des carrés de la toile de Jean-Paul BOCAJ.
Revers des carrés de la toile de Jean-Paul BOCAJ.



Vous savez tout sur ce livre, mais quel sera le suivant ?